Ecrire son histoire
Publié le 12 décembre 2023
Le cliché, on le repère facilement... chez les autres. Pourtant, il n’est pas si évident à définir.
En premier lieu, il s’agit d’un élément qui a été utilisé à outrance. La première caractéristique du cliché est donc son manque d’originalité.
Les clichés reposent généralement sur des préjugés. Certains sont franchement insultants : blonde stupide, juif cupide, malade psychique violent. D’autres semblent plus innocents, mais desservent toutefois l’histoire au lieu de la valoriser, car ils laissent un arrière-goût de redite.
Est-ce que cela signifie pour autant que toute situation déjà traitée à maintes reprises en littérature peut être considérée comme un cliché ?
Non plus.
En fait, si l’on s’intéresse aux grandes œuvres littéraires ou cinématographiques, on se rend vite compte que leurs arguments de départ ne brillent pas toujours pas leur originalité.
Roméo et Juliette ? Deux amoureux séparés par des familles qui se détestent. Ni Boccace ni Shakespeare n’ont inventé le concept.
Madame Bovary ou Anna Karenine ? Une histoire d’adultère, thématique, pas bien original en soi.
Un duo de flic mal assorti ? 50 % des enquêtes policières et autant de nanars que des chefs-d’œuvre.
Les exemples précédemment cités sont ce que l’on appelle des tropes, autrement dit des thématiques ou des situations récurrentes en matière de narration. Elles ne sont pas en soi problématiques… tant que la psychologie des personnages est par ailleurs fouillée, que l’intrigue est brillamment construite, que l’univers du récit est évocateur.
En revanche, situez un personnage creux dans un cadre vu et revu avec une histoire aux rebondissements prévisibles, et là, vous allez vous embourber à coup sûr dans les stéréotypes.
C’est là qu’on arrive à la seconde caractéristique du cliché et son problème principale : il traduit la flemme du créateur, un manque d’approfondissement, une volonté de se débarrasser un peu trop vite de son sujet.
Un argument de départ n’est jamais cliché en soi. Il le devient s'il est traité de manière superficielle.
Je vais prendre un exemple archi classique : le flic alcoolique. Mettre en scène un enquêteur qui nourrit un penchant maladif pour la bouteille constitue un exercice périlleux dans la mesure où il ne brille pas son originalité.
De fait, cela aboutit souvent à un résultat raté. Mais pas toujours non plus.
Jo Nesbo est un grand nom du polar norvégien. Le treizième tome de sa série mettant en scène l’inspecteur Harry Hole vient d’ailleurs de sortir en France.
Harry est un flic caractériel et impulsif accro à la bibine. Et il s’agit de l’un des meilleurs personnages d’enquêteur du polar contemporain (selon moi, mais je ne suis pas non plus la seule à le penser).
Pourquoi ?
En résumé, l'idée de départ de Jo Nesbo n'est pas originale. Elle aurait pu devenir cliché. Le romancier a évité ce piège parce qu'il a traité la psychologie de son personnage de façon approfondie.
S'il n'existe évidemment pas de recette miracle, gardez quand même quelques points de vigilance dans un tiroir de votre mémoire.
• Travailler la psychologie de ses personnages, se montrer concret, notamment dans ce qu’ils ont pu vivre dans leur passé, éviter le méchant qui est juste méchant parce que. Il faut se montrer précis : untel n’a pas juste manqué d’amour dans sa jeunesse, il a pu manquer d’amour parce que sa petite sœur a souffert d’une leucémie, ce qui a monopolisé l’attention de ses parents.
• Se demander si une situation sert réellement l’intrigue. Reprenons l'exemple du triangle amoureux dans les romans pour jeunes adulte. Dans certains cas, l’argument permet de faire avancer l’histoire, dans d’autres cas, non.
• Placer l’histoire dans un contexte inattendu. Les deux amoureux séparés par leur famille, c’est vu et revu. Situé dans le New York des années 50 plutôt que dans l’Italie de la Renaissance, cela a donné West Side Story,
• Introduire un élément novateur ou inattendu. Les deux enquêteurs très différents l'un de l'autre, c’est archi courant. Dans les années 90, la série X-files a introduit une protagoniste féminine, Dana Scully, à une époque où ce type de personnage était quasi toujours masculin. Les scénaristes ont par ailleurs été suffisamment malins pour éviter de jouer la carte de la romance entre collègues.
Note bene : aujourd’hui, il existe davantage de figures d’enquêtrices dans les fictions policières. L’argument perd donc un peu en originalité.
En résumé, l'argument de l'originalité est intéressant, mais pas toujours aussi primordial que l'on voudrait bien le croire. Pour éviter les stéréotypes, le plus important est surtout d'accorder une large part à la complexité (de l'intrigue et des personnages) et de toujours chercher à approfondir.
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