Ecrire son histoire
Publié le 04 novembre 2024
Le conflit constitue une notion centrale en dramaturgie. Ça manque de conflit. Il s’agit d’un reproche fréquemment adressé aux manuscrits d’auteurs en herbe par les lecteurs et les éditeurs. Souvent, les auteurs concernés, qui ont pourtant pris soin de relater forces coups de poing ou disputent ressentent un sentiment d’incompréhension.
Au contraire, certains critiques et analystes plus exigeants dénonceront ce recours au conflit comme une grosse ficelle narrative que devraient dédaigner les auteurs sérieux et soucieux du grand-art… Sans comprendre que les récits même intimistes et psychologiques recourent eux-aussi à des conflits, même si généralement d’un autre ordre.
C’est qu’il existe un malentendu autour de ce terme. Récemment, je me suis replongée dans l’essai littéraire d’Alice Zeniter Toute une moitié du monde que je ne saurais que trop vous recommander : à bien des titres, il est intéressant. Toutefois, à la lecture de l’extrait suivant, je n’ai pu m’empêcher de tiquer :
« Le face-à-face tourne souvent au corps-à-corps » dès que l'altérité surgit. Mais les formes de conflits sont multiples, tout comme les tailles d'un menu de fast-food : du duel personnel entre Jean Valjean et Javert, aux luttes collectives comme celle des Mousquetaires face aux gardes du cardinal, jusqu'aux combats idéologiques, tels que Georges Duroy contre la société parisienne. »
Cette vision du conflit dramatique m’a paru très réductrice, à la limite du contresens.
Le conflit, dans un roman ou un film, ne renvoient pas simplement à des personnes qui se battent ou même qui se disputent. Il existe des conflits entre des personnes qui s’aiment profondément, qui rencontrent des difficultés et essaient de trouver des solutions. Il existe des conflits dans tous les genres d’histoire : les récits d’action ou les comédies bien entendu, mais aussi les tragédies ou les romans psychologiques.
Bref, le conflit dépasse le simple affrontement physique ou idéologique : il peut être intime, implicite, et même silencieux.
Mais peut-être, pour être plus précis, devrions-nous parler de conflits au pluriel. On peut les diviser en deux grandes catégories : conflit externe et conflit interne.
Le conflit externe est le plus immédiatement reconnaissable. Selon John Truby, auteur et script doctor, le conflit externe naît souvent de la faiblesse du personnage, exploitée par les antagonistes pour mettre en lumière ses vulnérabilités. Que le personnage soit isolé, jeune, vieux, ou pauvre, ces faiblesses deviennent des leviers dramatiques qui donnent toute sa puissance au conflit.
Le rôle du conflit externe est de confronter le personnage à des obstacles concrets et peut se décliner en plusieurs sous-catégories.
C’est sans doute le conflit le plus classique et le plus facile à comprendre et pour cause : le fait que l’adversité soit incarnée par un autre humain, appelé antagoniste ou adversaire rend tout de suite l’histoire beaucoup plus captivante et dramatique à la fois.
Il va concerner les récits de survie, où la force antagoniste est l’environnement, la météo, ou même des créatures animales. D’une manière plus subtile, ce conflit existe également dans le natural writing, (en bon français : les histoires intimistes qui se déroulent en pleine nature). Plus subtile, parce que dans ce second cas, la nature ne doit pas nécessairement être vaincue ou dominée, mais au moins comprise et apprivoisée. Sans être hostile, elle résiste quand même au personnage.
Dans ce cas, l’individu est en conflit avec les conventions ou valeurs sociales, comme dans 1984 de George Orwell. Germinal de Zola, le cinéma de Ken Loach
La société peut être une notion large et vaste. Dans ce cas, il faut lui trouver des incarnations concrètes : d’une manière générale, toutes les figures d’autorité constituent de bons antagonistes dans ce genre de récit.
Bien noter : la société peut aussi renvoyer à un groupe plus restreint comme une entreprise ou une école, voire une famille. Il s’agit en fait de n’importe quel groupe avec ses règles et ses usages.
Le surnaturel se retrouve dans les récits de fantastique ou d’horreur : le vampire dans Dracula. La technologie relève plutôt de la science-fiction : l’ordinateur fou dans 2001 l'odyssée de l'espace, la réalité virtuelle dans Matrix
Ce type de conflit est particulièrement intéressant, même si souvent plus difficile à écrire. Dans ce type d’histoire, le personnage est en lutte contre certains aspects de sa personnalité : une addiction, des pulsions autodestructrices, un égo disproportionné. Il doit en prendre conscience et les surmonter afin d’améliorer sa relation au monde et à lui-même.
Le conflit personnage contre lui-même ne doit pas être confondu avec le conflit interne. Il s’agit d’un conflit orienté vers l’extérieur.
Comme dans tout bon scénario, même si le protagoniste affronte une difficulté intérieure, il devra aussi faire face à une force extérieure pour poursuivre un objectif (par exemple, les copains de bistrot qui veulent inciter à boire la personne qui a décidé de soigner son alcoolisme).
La face cachée des histoires : le conflit interne
Le conflit interne retrace la lutte intérieure, émotionnelle, étique ou mentale qu’un personnage affronte en lien avec un problème externe. Il prend souvent la forme d’un dilemme auquel le personnage se trouve confronté pour résoudre son problème externe
Exemple facile à comprendre : le protagoniste veut sauver sa sœur qui a été kidnappée, mais agir ainsi le conduira à révéler un secret particulièrement honteux au sujet de ses propres parents.
Pour résumé : Il y a d’une part un conflit externe qui implique des actions concrètes et un conflit interne qui va être axé sur les pensées et les émotions.
Le conflit interne retrace la lutte intérieure, émotionnelle, étique ou mentale qu’un personnage affronte en lien avec un problème externe. Il prend souvent la forme d’un dilemme auquel le personnage se trouve confronté pour résoudre son problème externe
Exemple facile à comprendre : le protagoniste veut sauver sa sœur qui a été kidnappée, mais agir ainsi le conduira à révéler un secret particulièrement honteux au sujet de ses propres parents.
Pour résumé : Il y a d’une part un conflit externe qui implique des actions concrètes et un conflit interne qui va être axé sur les pensées et les émotions.
Quelques exemples classiques
Comme le conflit externe, le conflit interne peut prendre diverses formes :
Par exemple, une femme qui a été maltraitée par le corps médical toute sa vie se retrouve tout à coup à devoir prendre une décision importante qui implique qu’elle fasse confiance à un médecin
Ce que souhaite le personnage va à l’encontre de ce qu’il sait être juste, et il doit faire de son mieux pour rationaliser et s’expliquer à lui-même en quoi son comportement devient acceptable. Par exemple, quand tuer qui devient l’unique moyen de sauver la vie d’autrui.
La peur, la honte ou la colère constituent à ce titre des émotions puissantes. Si un personnage est concentré sur sa survie ou veut éviter un sort terrible, il pourrait prendre de mauvaises décisions ou aller à l’encontre de sa morale. Cas classique : un personnage e pourrait garder le silence sur ses convictions et ne pas défendre quelqu’un qui est maltraité par crainte d’être attaqué à son tour.
Conclusion
Le conflit ne saurait être réduit à une simple question d’affrontement, il prend diverses formes et il est inhérent à toute histoire. Les films et romans à caractère psychologique mettront plutôt l’accent sur le conflit interne, ceux orientés action ou les comédies grand public s’attacheront plutôt aux conflits externes, mais, sauf cas particulier, aucun auteur ne peut faire une impasse totale sur l’un ou sur l’autre.
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