Montrer ou raconter dans un roman : that is the question

Montrer ou raconter dans un roman : that is the question

L’un des conseils les plus courants donnés aux auteurs de romans est : « Montrez, ne racontez pas », le fameux show, don’t tell des Anglo-saxons. Aujourd'hui nous allons essayer de comprendre ce qu'il implique exactement.

Ecrire son roman

Publié le 18 septembre 2024

Montrer ou raconter dans un roman : that is the question

Montrer plutôt que raconter constitue un choix stylistique d'importance primordiale. Attention toutefois à ne pas prendre le conseil trop à la lettre. Montrer et raconter peuvent tout à fait coexister.

Raconter une histoire : quoi de plus logique (en fait pas tant que cela)

D’abord, un constat.

Nous avons grandi avec l’habitude qu’on nous raconte des histoires. Enfant, on nous lisait des conte. Au quotidien, nous rapportons le plus souvent des événements de manière résumée : « Je me suis fait happer par le voisin qui m’a raconté ses problèmes de santé, et j’ai fini par arriver en retard au travail. Mon chef n’était pas content. »

En somme, dans la vie de tous les jours. nous nous contentons de relater ce qui nous est arrivé. Rien de grave. Il n'est généralement pas nécessaire d'apporter plus de détails pour se faire comprendre de son interlocuteur.

Le hic est que , du coup, nous ne nous habituons pas à « montrer » les histoires.

2. Montrer et raconter : qu’est-ce que cela signifie ?

Partons d'un cas très simple.

– "Elle a fait bouillir de l’eau."
On "raconte". Il s'agit d'un fait brut, résumé et sans détails.

– " Elle a mis la bouilloire sur la cuisinière. »
Cette phrase commence à "montrer", en ajoutant un peu plus d’action et de visuel.

– " Elle a rempli la bouilloire du robinet et fredonnait doucement jusqu’à ce que le sifflement de la bouilloire interrompe son chant. »
Ici, nous sommes clairement dans le registre du « montrer ». Nous ne nous contentons plus de rapporter un simple fait, mais nous assistons à une scène vivante, où le lecteur peut presque voir et entendre le personnage.

L’idée derrière « montrer » est de permettre au lecteur d’éprouver et ressentir avec le narrateur à travers une description détaillée, plutôt que de lui livrer un résumé factuel.

Exemple tiré d'une de mes lectures récentes

Il était deux fois de Franck Thilliez, permettra de bien faire comprendre cette distinction.

En mode « raconter », la scène pourrait ressembler à cela :

« Il traversa en voiture le quartier proche de la gare, un endroit sordide où régnait la prostitution. »

On comprend bien ce qui se déroule, mais d’un point de vue littéraire, c’est très médiocre.

Passons maintenant au « montrer » :

" Un vent du Nord sifflait entre l’acier gris des bâtiments et agitait des câbles électriques. Le quartier n’avait rien d’engageant — comme souvent à proximité des grandes gares. Après une centaine de mètres guidés par son téléphone, il tourna rue d’Aerschot. Il sentit les effluves de sexe et d’argent liquide. Des voitures roulaient au ralenti, éclaboussant les piétons de leurs phares allumés, s’arrêtaient devant des silhouettes perchées sur des talons hauts. Un minimum de mots, un claquement de portière, un ronflement de moteur qui se perdait dans la nuit avec la promesse de caresser le diable."

Cette scène, en utilisant des descriptions sensorielles, plonge le lecteur dans l’atmosphère glauque du quartier. Il ne lit plus simplement une histoire, il la vit.

2. Comment montrer plutôt que raconter ?

Pour immerger le lecteur, il existe une multitude de procédés.

Parmi les plus répandus et importants, on peut citer :

  • Employer des termes précis : un saule ou un érable, plutôt qu’un arbre ; le carrelage ou le plancher au lieu du sol
  • Ajouter des détails
  • Employer des termes concrets
  • Mobiliser tous les sens. Montrer n'implique pas que la vue, même si elle le sens qui prime dans une société telle que la nôtre. Il ne faut pas hésiter à solliciter les autres sens. N’oublions pas que la force de l’écriture par rapport au cinéma par exemple consiste également à donner à entendre,goûter et sentir.

Un exemple réussi de Show don't tell

Je viens de terminer_ Les enfants loups_ de Vera Buck, publié aux éditions Gallmeister. Voici comment débute le prologue :

« Je me suis réveillée dans le noir, perdue au milieu d’une grotte. J’ai cherché mon chemin. Ne le trouvant pas, j’ai paniqué. Les parois, noires. Le sol, noir. Ça sent la pourriture, la moisissure, et la pierre humide. Je respire vite, par à-coups. Un truc me grimpe sur la main, et je la lève si brusquement qu’elle frappe contre la roche. La douleur me lance dans les doigts jusqu’à mes ongles éraflés. »

Un point à souligner dans cet extrait : le personnage se trouve perdu dans l’obscurité. Dans ce cas, impossible de décrire visuellement. Au cinéma, il serait difficile de transcrire une expérience de ce type : un écran totalement noir pendant plus qu'une fraction de seconde serait incongru. L'écriture permet de s'en remettre à l'imagination et autres sens à travers le toucher, l’odorat et l’ouï.

En utilisant des détails, mais aussi en jouant sur le rythme haché des phrases, la narration nous fait vivre la scène au lieu de nous la raconter simplement. On ressent la panique du personnage, la claustrophobie, et même la texture de l’endroit.

3. Faut-il toujours montrer ?

Pas forcément. Il existe des moments où « raconter » est non seulement acceptable, mais préférable. Voici quelques situations où résumer peut être un meilleur choix :

– Pour traiter des détails sans importance : si un détail ne fait pas avancer l’intrigue ou ne révèle rien d’essentiel sur le personnage, inutile de le développer. Par exemple, on peut résumer une action banale comme « Elle ferma le navigateur »* plutôt que de détailler chaque clic de souris.

– Transitions : Lors des changements de lieu ou de temps, il est souvent plus efficace de résumer la situation pour ne pas ralentir l’histoire. Par exemple, « Dix ans passèrent » constitue un classique.

– Événements répétitifs : Dans des situations où l’action se répète (comme des traversées de rivière dans un roman d’aventures), montrer chaque occurrence peut devenir lassant. Il vaut mieux résumer pour éviter la répétition.

4. Trouver le bon équilibre

Montrer est souvent plus engageant, car il permet au lecteur de se plonger dans l’histoire et de vivre les émotions des personnages. Mais il ne faut pas en abuser. Un roman trop descriptif peut perdre son rythme et devenir lourd. Il faut donc alterner judicieusement entre le « montrer » et le « raconter », pour que l’intrigue progresse tout en maintenant l’intérêt du lecteur.

Finalement, « montrer » fait appel aux mêmes zones cérébrales que celles activées lorsque nous vivons une émotion dans la vraie vie. Cela permet de créer une connexion émotionnelle plus forte avec le lecteur, le transformant en un témoin actif de l'histoire, plutôt qu’un simple auditeur passif.

Conclusion : alors, faut-il « montrer » ou « raconter » ?

La réponse réside dans le juste milieu. « Montrer » immerge le lecteur, tandis que « raconter » permet d’avancer rapidement quand nécessaire. L’art de l’écrivain réside dans sa capacité à jongler entre ces deux techniques pour capturer l’attention du lecteur et maintenir le rythme du récit.

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